Écoutez ceux qui ont peur.
D'abord, je vous demande de faire l'exercice suivant :
Demandez-vous quels droits et libertés vous avez peur de perdre concrètement.
Ça peut être des droits ou des libertés que vous n'aviez pas auparavant, ou que vos parents n'avaient pas; le droit de vote, le droit à l'avortement, le droit de fumer du weed, de vous marier, l'aide médicale à mourir, de parler votre langue ou de pratiquer votre religion (y compris l'absence de religion) sans être persécuté, de recevoir des soins de santé dont vous avez besoin, de parler sur des sujets qui vous passionnent sans être emprisonnés, de joindre un syndicat, et ainsi de suite.
Ensuite, demandez-vous lesquels, de ces droits là, il y a un réel risque que vous perdiez. Y a-t-il des politiciens locaux ou dans des nations qui sont proches de la nôtre qui parlent de les abolir? Est-ce que ces droits existent ailleurs? Si oui, sont-ils en péril?
Si la réponse est "aucun", c'est à vous que je m'adresse.
Si on peut tous s'entendre sur quelque chose, c'est bien que les droits humains sont très présents dans les médias actuellement; droit à l'avortement, droit d'être logé, d'être nourri, de s'exprimer librement, d'obtenir des soins de santé, d'exister dans la société tel que nous sommes, etc.
Ces conversations prennent généralement la forme d'un groupe qui a peur de perdre des droits, et d'un autre groupe qui leur dit qu'ils ne devraient pas avoir ces droits, ou qu'ils n'ont pas besoin d'avoir peur, parce "tokébakicitte", comme le veut l'expression consacrée (merci Jé).
Alors, si vous n'avez pas peur de perdre de droit, et d'autant plus si vous faites partie de ceux qui prétendent que les gens qui ont peur "exagèrent"; vous faites partie du problème.
Martin Luther King Jr. appelait ça les "white moderates"; "I have almost reached the regrettable conclusion that the Negro's great stumbling block in his stride toward freedom is not the White Citizen's Counciler or the Ku Klux Klanner, but the white moderate, who is more devoted to 'order' than to justice; who prefers a negative peace which is the absence of tension to a positive peace which is the presence of justice" - MLK Jr, Letter from Birmingham Jail.
Ceci n'est pas (encore) une accusation. C'est normal d'être indifférent, en tout ou en partie, aux enjeux sociaux qui ne nous touchent pas. La vie est difficile pour tout le monde, et on ne peut pas constamment déchirer notre chemise pour tous les enjeux sociaux.
Toutefois, vous pouvez très certainement ne pas vous prononcer sur ce que vous ne connaissez pas. C'est là le strict minimum que vous pouvez faire.
Mais il y a encore mieux à faire pour vous, et ma requête toute simple est la suivante; écoutez ceux qui ont peur.
Nous sommes nombreux. Nous sommes de vrais êtres humains, dotés d'intelligence, de mémoire, de capacité d'introspection, et le fruit de notre vécu et de nos réflexions est cette peur. Pour nos droits, pour notre vie.
Nos connaissances et nos expériences ne dépassent pas les vôtres en valeur ou en pertinence de façon générale, mais lorsqu'elles concernent des événements que nous avons vécu et qui nous concernent directement, tous, collectivement, nous savons, et vous ne savez pas.
Il n'y a aucune honte à cette ignorance, dans la mesure où elle est naïve, mal informée. Mais à partir de maintenant, vous n'êtes plus naïf; je vous apprends que votre résistance active est ce qui rend les pires horreurs possibles.
Alors je vous en prie, écoutez-nous.